Anges gardiens

A

C’est une belle nuit d’été, bercée par le ballet nocturne des grillons. Une douce brise fait valser le dense feuillage des figuiers du jardin et fait craquer le vieux bois de leur maison. Un léger courant d’air s’immisce par la fenêtre entrouverte d’où une frêle lueur s’engouffre et se disperse à travers leur chambre mansardée.

Ils sont tous les deux réveillés, comme synchronisés. Sa femme le regarde, elle esquisse un sourire et il a déjà compris. Il descend et sort deux verres de vin, les remplit d’un vieux Bordeaux grand cru. Il les transporte délicatement sur un plateau et remonte la rejoindre. La nuit est douce et paisible. Ils s’assoient tous les deux devant la fenêtre et contemplent la pleine lune qui inonde leur visage d’une blancheur céleste. Elle pose ses lèvres, sur le verre puis sur sa bouche. Ils raffolent de ces moments suspendus, quand il n y a pas besoin de mot mais juste de tendresse qui apaise et soulage. Ils se réconfortent et s’enlacent, et il est temps de se rendormir paisiblement l’un contre l’autre.

Car elle et lui ne font qu’un  
Tout est calme, tout est serein 
Elle et lui ne font qu’un  
Tels des anges gardiens 

Ils se retrouvent chaque jour sur la terrasse pour profiter des journées ensoleillées et d’un long repas qu’ils ont mijoté ensemble. Chez eux, jamais de grand bavardage, jamais de commérages, mais seulement quelques brefs échanges de banalités. Car l’essentiel réside dans ce silence plein d’affection, ces regards pleins de tendresse et ces petits sourires amoureux. Les voici en train de se promener dans leur jardin aux baies rouges. Au milieu des abeilles qui butinent, ils s’offrent tour à tour quelques fruits bien mûrs avant de conclure par un doux baiser sucré. Qu’ils aiment ces instants magiques, au milieu des effluves florales et des chants du merle. Tout semble si naturel, tout semble couler de source. Regardez-les si bien cadencés lorsqu’ils jardinent, comme si chacun savait exactement ce qu’il avait à faire. Existe-t-il plus complémentaire ? Dès lors que l’autre est à proximité, que sa chaleur émane, on les sent tellement plus forts, insubmersibles.

Car elle et lui ne font qu’un  
Tout est calme, tout est serein 
Elle et lui ne font qu’un  
Tels des anges gardiens

Nous voilà maintenant un soir de fin d’automne. Une force tranquille se propage dans le salon où l’on retrouve les deux inséparables confortablement installés. Seul le feu de la cheminée crépite et le tic tac de la pendule dicte le rythme du temps qui passe. Elle feuillette un polar, il griffonne des mots sur un vieux journal. L’atmosphère répand un sentiment de détente profonde. Chacun sent l’odeur de l’autre, chacun ressent la respiration de l’autre, une symbiose qui fait signe que tout va bien. Il jette un œil sur les aiguilles de l’horloge puis lui lance un regard malicieux. Elle a déjà compris. Elle se lève aussitôt chercher une boîte de chocolats dont elle extrait deux douceurs pralinées. La friandise craque contre les dents puis fond dans la bouche. Un doux baiser puis ils savourent tous les deux en silence, bercés par le doux clapotis de la pluie froide tombant sur la toiture.

Car elle et lui ne font qu’un
Tout est calme, tout est serein 
Elle et lui ne font qu’un
Tels des anges gardiens

Ne prêtez guère d’attention à leurs petites querelles superficielles qu’ils exposent en public pour tromper les âmes naïves. Leur amour inconditionnel se répand si loin quand le silence est là qu’ils ne peuvent feindre leur connexion si parfaite, si fusionnelle. L’un ne pourrait plus vivre sans la présence de l’autre, ils sont un tout et finiront leur vieux jours ensemble, comme ils se l’étaient promis. Et au crépuscule, quand l’un s’en ira, l’autre le rejoindra au plus vite.

Et tout restera calme et serein 
Car elle et lui ne font qu’un
Tels des anges gardiens.

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