Le marin égaré

L

Aujourd’hui est un beau jour,
le premier jour d’une nouvelle vie.
Prendre le large, écouter mes envies,
me voilà seul à voguer sur cette mer d’huile.
Bien installé dans mon bateau, je flotte et je file.
Tout est paisible, tout est limpide.
Bercé par les flots, je me sens si lucide !
Une douce brise chantonne et me caresse le visage
alors que le soleil rayonne et m’annonce d’heureux présages.

Oui car ça y est ! Je m’éloigne désormais
de ces gens fous qui se voilent la face,
rongés par la jalousie et l’égoïsme,
hypnotisés par les dogmes et les gourous, 
anesthésiés par les somnifères et la drogue,
pour faire comme si de rien n’était, 
pour faire fi de la réalité
alors que tout n’est que poussière, absurdité
et grains de sable désorientés.

Oui j’ai hissé et levé les voiles
vers le grand bleu et ma bonne étoile.
J’ai tout laissé pour tisser ma toile. 
La vie en rose, enfin, se dévoile !
Une bonne intuition, un peu de flair :
je vogue, et vive la vie en solitaire !
Je vogue et désormais tout est clair.
Je vogue… mais soudain un éclair !
Le tonnerre et puis les vagues,
en colère. Est-ce que je divague ?
Non, je crois bien que je zigzague 
et que je vogue maintenant dans le vague.

Je croyais pourtant être devenu ce fier capitaine de navire
qui tient bon la barre, qui passe le cap et arrive à bon port.
Mais tout se dérègle.
Le navire tangue, le mât se brise et ma vue se voile.
Les sens se détraquent je perds le nord.
Je prends l’eau, à bâbord, à tribord.
Je dérive, je valse par dessus bord.
La violence des flots est terrible !
J’essaie de nager mais la houle déferle.
A l’horizon, aucun signe auquel m’accrocher.
Je vois la terre mais impossible de l’approcher,
comme si elle me poussait vers l’obscurité 
comme si elle ne voulait plus m’aider.

Je me suis déconnecté, 
je sombre, le fil est rompu. 
Je suis nu, sans filet.
Dites moi qu’il est encore temps ! 
Non, je ne veux plus aller à contre-courant !
Oubliez cette pâle rébellion, cette bête décision !
Je veux revenir, je veux me ressaisir,
éprouver le désir, des doses de plaisir
et à nouveau me perdre dans les illusions !
Je veux jouir de ces douces perfusions, 
des sensations, des stimulations !
Que tous mes sens s’embrasent
et chaque jour atteindre l’extase !
Je veux croire, je veux de l’espoir,
et peu importe que tout soit dérisoire !

Oui, laissez-moi revenir dans ce monde de fous !
Tout est fou, vous êtes fous, je suis fou !
Quelle idée d’avoir voulu m’échapper de cet asile !
Venez m’aider, rattrapez-moi, je serai docile.
Remontez-moi à la surface, au superficiel !
Eloignez-moi des profondeurs démentielles !
Oui, s’il vous plaît, laissez-moi revenir !
Ne me laissez pas couler, ne me laissez pas mourir !
Parlez-moi, redonnez-moi le sourire !
J’ai besoin de sens.
J’ai besoin de vous.

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